viernes, 5 de septiembre de 2008

Enquête sur les disparus du franquisme.

Fuente: Le Monde.

Enquête sur les disparus du franquisme
A plus de soixante-dix ans de distance, la justice espagnole pourra-t-elle faire la lumière sur les exactions du régime franquiste ?
MADRID CORRESPONDANT

A plus de soixante-dix ans de distance, la justice espagnole pourra-t-elle faire la lumière sur les exactions du régime franquiste ? La polémique a rebondi, lundi 1er septembre, après la décision du juge Baltasar Garzon, de l'Audience nationale, la plus haute juridiction pénale espagnole, d'engager une demande d'information sur le sort des dizaines de milliers de personnes disparues pendant la guerre civile (1936-1939) et sous la dictature du général Franco (1939-1975).

Par cette initiative, le magistrat rendu célèbre par son instruction contre l'ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, ouvre pour la première fois la voie à une enquête à grande échelle sur les quelque 30 000 disparus du franquisme. Afin d'établir un recensement de ces victimes, généralement jetées dans des fosses communes après leur exécution sommaire, M. Garzon a demandé à plusieurs administrations d'ouvrir leurs archives. Sa demande d'information préliminaire s'adresse principalement à la Conférence épiscopale espagnole pour qu'elle mette à sa disposition les registres de décès de ses 22 827 paroisses, ainsi qu'au Mémorial de la Valle de Los Caidos, dans la région de Madrid, où reposent dans des ossuaires des milliers de combattants des deux camps de la guerre civile.
"EMOUVANT"
La requête du juge a été saluée comme un pas "historique" par les organisations de victimes du franquisme. "Beaucoup travaillent depuis des années pour récupérer les restes de leurs proches et savoir ce qui leur est arrivé. Le fait d'entamer un processus conduisant l'Etat à reconnaître sa responsabilité est très émouvant", a commenté Emilio Silva, président de l'Association pour la récupération de la mémoire historique.
Une première étape avait été franchie le 25 juin, quand le juge Garzon avait accepté officiellement d'étudier les plaintes déposées par des familles et des associations représentant 1 200 cas documentés de disparitions. Champion des enquêtes sur les disparitions forcées en Amérique du Sud, le juge était systématiquement sollicité en Espagne depuis l'adoption de la loi sur la "mémoire historique" en octobre 2007. Sa démarche confirme qu'il privilégie la voie d'une cause globale, alors que le ministère public, au début de l'année, s'était prononcé pour que chaque cas de disparition soit instruit séparément.
Des associations de magistrats mettent en doute la méthode, estimant que ce n'est pas à la justice, mais à la politique, de s'attaquer au dossier. Le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero approuve l'initiative, contrairement au chef de l'opposition, Mariano Rajoy, "pas partisan de rouvrir les plaies du passé". Plus polémique, le quotidien de droite El Mundo fustige "une initiative effrayante qui n'a aucune chance d'aboutir". Le journal met en avant la loi d'amnistie votée en octobre 1977 s'appliquant aux "crimes politiques" commis avant le 15 décembre 1976. Les associations de victimes font valoir qu'il s'agit de "crimes contre l'humanité".
Jean-Jacques Bozonnet
Article paru dans l'édition du 05.09.08.
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Portfolio La guerre civile éclate en Espagne à l'été 1936
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Cadrage La mémoire des victimes de la guerre civile divise l'Espagne
Article paru dans l'édition du 12.09.07

Après qu'en juillet 2006 le conseil des ministres eut approuvé un projet de loi connu sous le nom officieux de « mémoire historique », visant à réhabiliter la mémoire des victimes de la guerre civile et de la dictature, une spectaculaire « guerre des faire-part » s'était déclenchée dans les journaux espagnols. Précédés d'un surtitre : « 70e anniversaire », on a pu lire, cet été-là, quantité d' in memoriam tels que - selon l'orientation du quotidien : « Julián Sosa Pérez, 41 ans et sept enfants, Arenas de San Juan, assassinés par les Rouges du Front populaire avec 61 autres Madrilènes le 27 juillet 1936 » ; « Don Mateo Gómez Díez, assassiné au matin du 6 septembre 1036 à Valladolid, à 47 ans, victime de la répression fasciste ».
Un an plus tard, l'avenir de ce projet de loi s'est obscurci. Rejeté par les conservateurs du Parti populaire (PP), le texte est l'objet d'un entrelacs de revendications de la part des groupes minoritaires du Parlement. Or les socialistes, qui ne disposent que d'une majorité relative, ont besoin de l'appui de certains d'entre eux pour faire adopter, avant la dissolution du Congrès des députés, en décembre, ce qui était l'une des principales promesses de José Luis Zapatero. L'approche des élections législatives de mars 2008 rend encore plus difficile à envisager un débat forcément à vif dans une période où le président du gouvernement veut recentrer son discours.

TEXTE « ÉQUIDISTANT »
Le texte est issu des revendications des associations qui, depuis six ou sept ans, militent pour la réhabilitation de la mémoire des victimes du camp républicain, abandonnées à l'oubli par l'Espagne officielle, tandis que le camp vainqueur, lui, a pu honorer ses morts pendant quarante ans de franquisme. Le projet vise à aider les familles des personnes assassinées, essentiellement pendant la première année de la guerre (environ 100 000 du côté républicain et 50 000 du côté des insurgés), et enterrées dans des fosses communes, à retrouver les corps pour leur donner une sépulture décente si elles le souhaitent.
Il institue un mécanisme de réhabilitation individuelle, purement symbolique, à la demande des familles, pour les victimes des tribunaux d'exception franquistes qui, à partir de l'été 1937, ont été à l'origine de 50 000 condamnations à mort et de dizaines de milliers de condamnations aux travaux forcés, à la prison ou à l'expropriation.
Pour essayer d'adoucir la polémique, le gouvernement a pris le parti de rédiger un texte « équidistant », c'est-à-dire applicable aux victimes de deux camps. Cela a eu pour effet d'isoler les socialistes.
Le PP n'a pas renoncé à son opposition radicale au principe de cette loi. La droite accuse le gouvernement d'utiliser l'histoire à des fins politiciennes, de risquer de déchirer le pays et de briser les compromis de la Transition qui ont permis à l'Espagne de renouer pacifiquement avec la démocratie.
C'est parmi les groupes charnières que le gouvernement doit trouver des appuis. Or nationalistes basques et catalans, gauche radicale et écologiste (IU-ICV) et indépendantistes catalans sont loin de tirer dans le même sens. Les indépendantistes catalans - pas plus que la gauche de la gauche - n'ont pas admis que républicains et insurgés soient mis sur un même pied. Ils campent sur une exigence : le projet de loi doit annuler les jugements prononcés par les tribunaux d'exception franquistes. Jusqu'à présent, aucun tribunal n'a accepté de déclarer nul l'un de ces jugements, en dépit des nombreux recours. Or le gouvernement refuse de s'engager dans la voie de l'annulation, pour des raisons de sécurité juridique.
Les écolo-socialistes d'IU-ICV étaient, à l'origine, eux aussi favorables à l'annulation des jugements des tribunaux militaires. Les socialistes sont cependant parvenus à un compromis avec eux, consistant non pas à annuler les jugements, mais à les déclarer « injustes » parce que prononcés par des tribunaux « illégitimes ». Aux yeux du gouvernement, cette déclaration n'a pas de portée juridique. Mais IU-ICV est convaincue que, sur la base de cette formulation, les victimes du franquisme ou leurs descendants pourront faire annuler les condamnations. Leur appui n'est cependant pas suffisant pour faire passer la loi.
Elle doit encore trouver des soutiens chez les nationalistes basques ou catalans. Les premiers posent une condition : le retour au Pays basque d'archives du gouvernement régional transférées à Salamanque par le régime franquiste. Le gouvernement y est réticent car c'est là un nouveau sujet d'affrontement avec l'opposition. Les Catalans, eux, semblent mal à l'aise dans ce débat. Ils n'ont pas encore pris position mais leur chef de file au Congrès des députés, Josep Antoni Duran i Lleida, a demandé que soit faite, dans le projet de loi, une mention explicite des « abus » commis par les républicains pendant la guerre, référence implicite aux nationalistes et catholiques assassinés dans la Catalogne républicaine en 1936-1937. Le gouvernement a refusé au motif que son propos n'est pas de « porter un jugement historique sur ce qui s'est passé ». Tout le débat est là.
Cécile Chambraud

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